En 1977, un document a changé la vie de la Tchécoslovaquie communiste.
Le dramaturge et future président Václav Havel, les philosophes Jan Patočka et Jiří Němec, ou encore les écrivains Jaroslav Seifert, Ludvík Vaculík et Pavel Kohout… il y a quarante ans de cela, ces six intellectuels, ainsi que 236 autres, ont signé et publié le document fondateur du mouvement dissident tchécoslovaque, la Charte 77. Pendant douze ans, cette pétition contre la violation des droits de l’homme représente pour le régime communiste un vrai symbole de l’opposition ennemie et les représailles lancées contre ses initiateurs sont très sévères. Pourtant, même après toutes ces années, ce mouvement ne cesse d’inspirer des opposants de différents régimes non démocratiques un peu partout dans le monde…
Le texte de la Charte 77 apparaît au début du mois de janvier 1977, en réaction, entre autres, à l’arrestation, en 1976, des membres du groupe de musique The Plastic People of the Universe. Les 242 signataires de cette pétition critiquent les autorités communistes pour la violation des droits de l’homme, au respect desquels la Tchécoslovaquie s’est engagé dans sa constitution, ainsi qu’en signant les accords d’Helsinki, un traité international, ratifié en 1975 par 35 pays.
La réaction du gouvernement communiste est immédiate et sévère. Dans l’effort d’empêcher la publication de la Charte, la police sécrète arrête, le 6 janvier 1977, ses organisateurs Václav Havel, Ludvík Vaculík et Pavel Landovský et leur confisque les feuilles originales contenant des signatures. Bien que la presse officielle du pays dénonce le document comme une activité « contre l’Etat » et « contre le socialisme », la pétition est publiée, un jour plus tard, par plusieurs journaux internationaux, dont notamment Le Monde, The Times ou New York Times.
Les représailles contre les signataires, qui sont au nombre de 1 200 dans la moitié des années 1980 et de 1 883 en janvier 1990, se poursuivent, de nombreux entre eux étant licenciés, certains même emprisonnés. Un cas extrême : le philosophe Jan Patočka meurt suite à un interrogatoire policier. Et ce même si la Charte 77 n’était pas censé de lutter contre l’ancien régime, comme l’a expliqué, en 2014, Julien Morice, alors l’étudiant à l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes qui a réalisé un mémoire portant sur la réception médiatique en France de la Charte 77 :
« Cette charte reste dans l’esprit du Printemps de Prague en 1968. En janvier 1977, 70% des signataires sont des communistes ou des anciens communistes se revendiquant toujours de cette idéologie. Cette charte était avant tout un combat pour les droits de l’homme, elle n’avait pas pour but d’abattre ce régime communiste mais bien de le réformer. »
C’est d’ailleurs ce que confirme également un des premiers signataires de la Charte 77, le philosophe Jan Sokol :
« Le premier pas, c’était une lettre ouverte rédigée par Václav Havel et adressée au président Husák. Elle dénonçait déjà ouvertement la violation des droits de l’homme. Il ne s’agissait pas vraiment d’un appel au président, c’était une occasion pour rendre cette opinion publique. Après, en 1976, il y avait cette affaire des jeunes musiciens, qui étaient libérés suite aux interventions des intellectuels. Il semblait donc que la Charte pourrait avoir un effet pareil : on ne voulait pas changer le régime mais lancer un dialogue sur les droits de l’homme. Cela semblait tout à fait possible. »
Les activités du mouvement autour de la Charte 77, qui participait également sur les négociations avec les dirigeants du pays après la chute du régime suite à la Révolution de velours en 1989, ont été officiellement terminées en 1992. L’héritage de cette manifestation d’opposition parmi les plus importantes depuis le Printemps de Prague en 1968, reste pourtant bien vivant et ne cesse d’inspirer des opposants d’abord des régimes totalitaires en Europe de l’Est, ensuite même par exemple en Chine, en Birmanie ou à Cuba. Jan Sokol :
« Ce qui est très important, c’est que les droits de l’homme sont très universels. Ils touchent tout le monde. Pourtant, nous sommes très loin d’une réalisation globale des droits de l’homme. Ils devraient jouer un rôle clé dans la politique internationale aujourd’hui. C’est là où cette lutte a lieu. »
Source :
https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/charte-77-il-y-a-quarante-ans-un-document-a-change-la-vie-de-la-tchecoslovaquie-communiste